Les symptômes
- Il n’y a pas de difficulté particulière pendant la période néonatale.
- Tous les patients présentent un Trouble du Développement Intellectuel (TDI). Il s’agit d’un TDI modéré à léger (avec un Quotient Intellectuel Total moyen à 48 et un score global moyen pour l’échelle des comportements adaptatifs de Vineland de 43).
- Sur le plan moteur, ils sont beaucoup plus gênés pour la motricité distale, fine que pour la motricité globale. Ils n’ont par exemple aucun problème d’équilibre (le gène ARX n'est pas exprimé dans le cervelet). Tous les patients sont capables de marcher, avec un âge moyen pour la marche de 20 mois. Les patients présentent à un degré variable une dyspraxie gestuelle. Celle-ci peut être associée à une dystonie des membres supérieurs (dans 74% des cas) de sévérité variable (de discrète à sévère). Il n’y a pas de déficit moteur. Les patients sont beaucoup plus gênés pour la réalisation de mouvements distaux demandant une certaine indépendance des doigts que pour les mouvements effectués avec l’ensemble du membre supérieur. Le trouble de la motricité fine et de la coordination des gestes s’exprime par une difficulté particulière à réaliser des mouvements fins des doigts et ressemble à l’apraxie cinétique des membres décrite chez l’adulte.
- La préhension du crayon est pathognomonique (c’est à dire spécifique) dans 96% des cas. En effet, ils tiennent leur stylo d’une façon tout à fait particulière avec une saisie entre les faces latérales des 2ème et 3ème doigts pour la plupart d’entre eux et sans utilisation de la pulpe du pouce et de l’index. Une étude en cinématique (étude précise du mouvement) a mis en évidence qu’ils avaient une préférence pour le majeur. Il est tout à fait intéressant de mettre en parallèle les éléments rapportés par les parents qui notaient très tôt une préhension inhabituelle dans 82 % des cas, décrite souvent sous forme de « pince à trois doigts ». Il semble bien qu’il s’agisse d’un élément développemental important de ces patients, qui persiste à l’âge adulte, de façon plus discrète, mais ayant été bien mis en évidence grâce à l’étude en cinématique.
- Les patients présentent un trouble structurel du langage oral, prédominant en expression et qui touche la phonologie, le lexique et la morphosyntaxe. Ceci contraste avec leurs bonnes compétences en pragmatique. Ils ont envie de créer et maintenir l’échange, malgré leurs difficultés à s’exprimer. Ils ont le sens de l’humour. Plusieurs patients semblent beaucoup plus intelligibles lorsqu’ils chantent que lorsqu’ils parlent. Ceci a également été noté chez un patient australien (Partington et al. 1988). Il existe un retard de langage avec les premiers mots apparaissant vers 2.3 ans, la combinaison de 2 mots vers 3.9 ans. 76% des patients de plus de 4 ans peuvent faire des phrases. Il existe un trouble important de prononciation. Tous les patients ARX dup24 présentent une dyspraxie bucco-linguale, à des degrés variables. Le bavage est observé dans 56% des cas pendant l’enfance et persiste dans 21% des cas à l’âge adulte, parfois de façon invalidante. On note également une voix nasonée.
- Il existe une épilepsie dans 33% des cas, dont 10% de syndrome de West (associant spasmes infantiles le plus souvent en flexion, tracé EEG hypsarythmique et régression psychomotrice). Les autres types de crises étaient des absences, des crises partielles complexes ou des crises tonico-cloniques généralisées. La grande majorité des épilepsies des patients ARX dup24 ne sont pas pharmocorésistantes. La plupart des patients ne font plus de crises sous traitement, voire peuvent même l’arrêter par la suite.
- La croissance staturo-pondérale est normale. De discrètes particularités morphologiques peuvent être décrites : implantation haute des cheveux, lèvre supérieure fine et rétrognathisme. Un trouble de la statique rachidienne est fréquent (81% des cas) avec cyphose dorsale et hyperlordose lombaire. Des pieds plats sont fréquents (64%).
- Les patients ARX dup24 font souvent des otites (60%).
- Enfin, ils présentent un trouble de la réfraction (hypermétropie le plus souvent) dans 16% des cas. - Une fragilité psychopathologique a été mise en évidence : anxiété très fréquente (parfois sévère), trouble des conduites, hyperactivité, rituels, comportements stéréotypés, susceptibilité.
Une maladie rare
Le syndrome de Partington, est une maladie rare neurologique, classée dans les troubles du neurodéveloppement par la DSM-5, (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) et caractérisée par un trouble du développement intellectuel léger à modéré associé à une dysarthrie et des mouvements dystoniques de la main. D’autres symptômes peuvent être associés, comme des troubles du comportement, des crises d’épilepsie, une démarche inhabituelle. Il est associé à une mutation dans le gène ARX (Aristaless Related homeobox), codant pour une protéine ayant un rôle important dans la prolifération neuronale. Le syndrome de Partington est inclus dans le groupe très hétérogène des déficiences intellectuelles liées au chromosome X. En l’absence de médicament curatif, le traitement est ciblé sur les signes et les symptômes de chaque personne
Le gène Aristaless-Related homeoboX (ARX) a été découvert en 2002 (Bienvenu et al. 2002, Stromme et al. 2002). Il est situé sur le bras court du chromosome X (en Xp22.13) et code pour un facteur de transcription qui s’exprime très tôt au cours du développement cérébral (Curie et al. 2018). De nombreuses mutations différentes ont été rapportées depuis son identification (Shoubridge et al. 2010). Mais la mutation de loin la plus fréquente consiste en une duplication de 24 paires de bases située au niveau de l’exon 2 (c429_452dup24) et entraîne une expansion du deuxième domaine de polyalanine (passant de 12 à 20 alanines) (Poirier et al. 2006). Elle fait l’objet de la présente fiche. Une étude française détaillée sur 27 patients ARX présentant cette mutation dup24 (c429_452dup24) a permis de préciser les signes cliniques qui sont associés à cette mutation et constituent un syndrome clinique reconnaissable (Curie et al. 2014), le syndrome de Partington, en hommage à celui qui a initialement décrit les formes les plus sévères de ce syndrome avec dystonie majeure, parfois associée à une anarthrie (Partington et al. 1988).
Le gène ARX est localisé sur le chromosome X, qui est un des deux chromosomes sexuels. Rappel général : Chaque cellule de l’être humain contient 46 chromosomes, regroupés en 23 paires. La 23ème paire est constituée des chromosomes dits sexuels : les hommes présentent un chromosome X et un chromosome Y (XY), les femmes, deux chromosomes X (XX). Le syndrome de Partington, dont le gène est localisé sur le chromosome X se transmet sur un mode dit "récessif lié à l'X". Pour ce syndrome : La maladie se manifeste chez les sujets de sexe masculin (XY), qui possèdent une seule copie mutée du gène, et les femmes (XX) porteuses du gène muté sur un des deux chromosomes X sont cliniquement saines, mais conductrices de la maladie. Il ne peut y avoir de transmission père-fils. Parfois, la mutation responsable du syndrome de Partington n’est pas héritée, mais apparait au cours de la formation des gamètes ou du développement embryonnaire ( on parle alors de mutation de novo.). Les familles doivent recevoir un conseil génétique et un accompagnement psychologique.
Suspicion, diagnostic, accompagnement
Quand suspecter le diagnostic ?
- Devant un retard global de développement chez un jeune enfant associé notamment à une mauvaise différenciation des doigts et de la pince pouce-index, une incontinence salivaire persistante, un retard postural modéré, un retard de langage avec des difficultés marquées de prononciation
- Chez le plus grand : devant un tableau de déficience intellectuelle avec incontinence salivaire persistante, dyspraxie gestuelle et oro-linguale, plus ou moins associée à une dystonie des membres supérieurs, d’autant plus s’il existe une forme familiale liée à l’X (mais doit être évoqué également chez des formes sporadiques)
- Devant un syndrome de West, chez un garçon, sans autre étiologie évidente (notamment absence de malformation cérébrale)
Comment établir le diagnostic ?
Il faut réaliser une analyse moléculaire du gène ARX avec recherche de la duplication 24 paires de bases. Le site d’Orphanet (https://www.orpha.net/) présente la liste des laboratoires de génétique moléculaires qui réalisent cette analyse. Attention : cette duplication n’est pas détectée en exome.
Quelle prise en charge chez l’enfant ?
- Prise en charge orthophonique : stimulation précoce de la sphère oro-faciale, travail précoce sur les praxies bucco-linguales, puis travail sur l’acquisition du langage oral (accès au lexique, communication alternative augmentée avec mise en place très tôt du français signé et des pictogrammes)
- Prise en charge de l’incontinence salivaire : transposition des canaux salivaires ou injection de toxine botulique dans les glandes salivaires - Prise en charge en psychomotricité dès que possible - Puis prise en charge en ergothérapie dès 5 ans
- Evaluation des compétences intellectuelles aux âges clés (échelle de Wechsler adaptée à l’âge, échelle de Vineland), notamment pour permettre l’orientation scolaire et adapter le projet pédagogique et éducatif : à 6 ans, à 11 ans et pour la transition vers l’âge adulte (16 -20 ans)
- Scolarisation en maternelle (avec AVS si nécessaire), puis orientation en ULIS ou IME
- Mise en place d’un projet pédagogique et éducatif, en tenant compte des compétences et des besoins de soutien et d’accompagnement de la personne 4
Conséquences dans la vie quotidienne et prise en charge de l’adulte
- Les difficultés motrices des personnes ont des conséquences concrètes dans la vie quotidienne des patients, concernant notamment l’habillage et les repas. La manipulation des objets est parfois difficile, notamment pour obtenir une préhension ferme. Ils ont souvent du mal à adapter la force et la précision de leurs gestes. Ces difficultés nécessitent d’être prises en charge très précocément, et justifient un soutien par des aidants, y compris à l’age adulte. Une reprise de rééducation en ergothérapie peut être utile même chez l’adulte en ciblant un objectif atteignable précis.
- Le trouble du langage persiste à l’âge adulte. Il est associé à une dyspraxie bucco-linguale qui peut être handicapante à l’âge adulte. L’incontinence salivaire persistante dans 21% des cas à l’âge adulte et nécessite la poursuite des soins (notamment injection de toxine botulique dans les glandes salivaires).
- La fragilité psychopathologique nécessite un accompagnement par des professionnels. Un suivi avec un psychologue doit permettre de travailler sur les comportements adaptatifs, de soutenir le développement des compétences émotionnelles et sociales, de favoriser le développement de la communication et de mieux gérer l’anxiété. Un suivi auprès d’un psychiatre peut être nécessaire, notamment en cas de trouble des conduites ou d’anxiété majeure.
Suivi clinique recommandé comme pour tout enfant
- Vaccins selon le calendrier vaccinal (pas de contre-indication liée au syndrome)
- Dépistage d’une déficience visuelle et auditive indispensable - Si besoin, orientation vers un neuropédiatre ou un neurologue si suspicion de crise d’épilepsie - Si besoin, orientation vers un (pédo)psychiatre devant trouble de l’humeur (anxiété...) ou de régulation émotionnel important
Les principales recherches en cours vers un candidat médicament
- Les études cliniques descriptives : Une première étude (Curie et al, 2014) a permis de brosser un tableau clinique de la maladie, (comme décrit ci-dessus), facilitant le diagnostic. Une deuxième étude (Curie et al, 2018) a permis, grâce à des nouvelles techniques de neuroimagerie (Imagerie par résonnance magnétique morphométrique et fonctionnelle), de mettre en évidence un profil neuroanatomique propre à la mutation, avec notamment une diminution du volume de certaines parties du cerveau (noyaux caudés). Une corrélation significative a été mise en évidence entre la diminution de volume du noyau caudé et la sévérité de la gêne motrice. L’étude a également permis de décrire le profil d’activation cérébral mis en œuvre par les patients lorsqu’ils effectuent une tâche de raisonnement visuel analogique, qui est au cœur de leurs difficultés. Une étude du langage a montré que les patients ARX ont un trouble structurel du langage, à la fois dans les aspects réceptifs et expressifs du langage. Ces troubles ressemblent à ceux décrits chez les patients porteurs de la mutation du gène FOXP1, dont l’expression est régulée par ARX. Les résultats mettent en évidence une voie commune entre les gènes ARX et FOXP1 et un nouveau rôle d’ARX dans le développement du langage. Ces études ont permis de dégager des pistes de rééducation adaptée aux spécificités des patients.
- Les études sur modèles animaux : Un modèle de souris porteuses de cette mutation, a pu être créé. Elles présentent des similarités phénotypiques avec les patients et se révèlent un bon modèle pour l’étude des conséquences physiopathologiques de la mutation c.428-451dup24, dans l’optique d’une approche thérapeutique.
- Les études fondamentales : Ces études s’attachent à comprendre le rôle de la protéine ARX dans le développement cérébral. Elles montrent une variété d’implications de cette protéine au cours de processus fondamentaux, comme la prolifération et la migration neuronales, la maturation et la différentiation des cellules, ainsi que la croissance des axones et leur connectivité. Ceci est dû à la fonction de régulateur transcriptionnel d’ARX, qui va impacter l’expression d’autres gènes (effet dit pléiotropique) en activant ou réprimant leur expression
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