Le diagnostic, une délivrance
En bref, le diagnostic, ça été un 2ème accouchement, une délivrance dans la douleur, sans péridurale, mais aussi une 2ème naissance, avec dans les jours qui ont suivis une terrible envie de vivre cette belle vie auprès de lui, de grandir avec lui. Un genre de "reset", on annule les données et on repart sur de nouvelles bases, avec la légitimité d'un nom de maladie.
Voici le début de notre histoire Xtraordinaire, celle de Victor.
Mon 2ème fils, Victor, est né en Juillet 2008. Quand il a eu 4 mois, j'ai su qu'il était différent. En reprenant mon travail de sage-femme, j’ai tout de suite remarqué qu'il n'interagissait pas comme les autres bébés présents avec ce qui l'entourait, qu'il ne cherchait pas à attraper les portiques et autres hochets et qu'il ne babillait pas. Il était sage, trop sage. Souriant, avec de grands yeux étonnés, mais trop sage.
J'ai dit à son père et à la pédiatre que je le trouvais un peu passif, mais personne n'a semblé y prêter attention, et on m'a souri avec des "tu ne vas pas t’inquiéter parce qu'il est calme?".
J'ai donc gardé mes réflexions pour moi, plus ou moins rassurée.
A 9 mois il ne tenait pas assis, il était très hypotonique et toujours aussi sage.
La pédiatre m'a suggéré de le stimuler dans un siège "bumbo", il a tenu assis à presque 10 mois, tout le monde était satisfait, j'étais presque déçue qu'ils le soient.
A 12 mois, son père et moi nous sommes séparés. J'étais abattue, déprimée, triste et physiquement affaiblie puisque j'ai été paralysée par une hernie discale. Pendant cette période, Victor s'est enfermé sur lui même, il ne communiquait plus qu'avec le regard et était capable de rester assis au même endroit 2 heures en attendant que je rentre. Il ne "reprenait vie" qu'en ma présence.
Il ne marchait pas, ne produisait aucun son.
La pédiatre a diagnostiqué un retard psychomoteur d'origine psycho-affective, et a suggéré de la patience.
3 mois plus tard, j’ai été opérée et j’ai repris les choses en main car je commençais à me soucier vraiment beaucoup des retards de Victor et de son comportement.
Une psychologue m'a dit que Victor avait un rapport érotisant à mon corps et que je devais me séparer de lui, une autre que Victor ne voulait pas grandir parce que je ne l'y autorisais pas, que je devais arrêter de le porter et le laisser "galérer" un peu, il serait bien obligé de marcher.
A 18 mois passés, Victor ne marchait toujours pas et ne disait que maman.
J'ai demandé à la pédiatre une prise en charge au CAMSP, elle m'a conseillé d'être patiente, qu'il était perturbé par la séparation et mon état des derniers mois.
En juillet 2010 elle a appuyé ma demande et a proposé un RDV chez la neuro pédiatre en septembre s'il ne marchait toujours pas après l'été.
Il avait 24 mois.
En septembre 2010, on a été reçus au CAMSP, l'équipe a été formidable, m'a rassurée quant à ma (non) responsabilité, et j'ai été soulagée d'avoir enfin trouvé un lieu où les difficultés de Victor étaient prises en compte, et en charge, un lieu où on ne m'accablait pas, où on m'a affirmé qu'un retard psycho-affectif ne pouvait pas être la cause d'un tel retard psychomoteur, même si les circonstances avaient sans doute participé à son changement de comportement et à son enfermement. Il a marché courant septembre, à 26 mois.
En parallèle on a rencontré la neuro-pédiatre et on a commencé les bilans, 3 mois de consultations, bilans et autres IRM.
3 mois d'enfer.
Il est également entré en crèche durant cette période (il était gardé par une assistante maternelle jusque là), et j'ai commencé à travailler moins pour l'accompagner à ses différents RDV. Son retard d'acquisition était pris en compte, et c'était déjà un soulagement pour moi, même s'il était toujours suspecté de fainéantise et moi d’être fusionnelle et sur protectrice.
En Janvier 2011 on a su qu'il avait un déficit en créatine et en Février que c'était un déficit en transporteur.
C'était un tsunami émotionnel. Pourtant je savais qu'il faisait tous les efforts du monde, qu'il était bloqué malgré lui.
L'annonce du diagnostic est une souffrance indescriptible, accompagnée d'un brouillard intérieur impénétrable, de questions innombrables, j'étais sidérée.
Le papa n'a pas compris, il lui a fallu plus de temps pour intégrer l'information. J'étais seule face à mes émotions.
J'ai pleuré 2 nuits entières, j'ai écrit tout ce que je ressentais, j'ai trié ces émotions, lu des témoignages magnifiques de parents sur le site Xtraordinaire.
Le surlendemain, j'étais sereine, soulagée, apaisée et prête à affronter ça, prête à vivre cette vie avec lui, prête à le suivre pour qu'il m'apprenne, prête à adopter sa combativité et sa joie de vivre.
Ce que je ressentais? "Ça y est, on est légitimes, on va enfin pouvoir avancer!"
On a commencé à apprendre des signes de la LSF seuls puis on s’est formés au Makaton, Victor, son frère, moi, ainsi que mes amies (sans qui je me serais écroulée très rapidement) et leurs enfants. Victor s'est mis à signer de plus en plus et depuis Mai 2012, il commence à parler!
En bref, le diagnostic, ça été un 2ème accouchement, une délivrance dans la douleur, sans péridurale, mais aussi une 2ème naissance, avec dans les jours qui ont suivis une terrible envie de vivre cette belle vie auprès de lui, de grandir avec lui. Un genre de "reset", on annule les données et on repart sur de nouvelles bases, avec la légitimité d'un nom de maladie.
Maintenant bien évidemment je trouve ça pesant que Victor soit cantonné dans sa case "déficient en transporteur de la créatine cérébrale", parce qu'il faut qu'il reste dans sa case. Depuis le début, j'ai juste envie qu'il soit reconnu et accepté comme Victor, un tout petit individu qui n'avance pas comme dans les livres de pédiatrie générale. C'est difficile d'en arriver là.
Le seul endroit où mon garçon (et même mes garçons parce que c'est aussi vrai pour son courageux et compréhensif grand frère) est accueilli comme Victor, avec une prise en charge basée sur ses besoins propres, ses progressions et ses difficultés et non sur une liste de symptômes décrits, c'est le CAMSP.
C'est d'ailleurs en partie grâce à l'équipe du CAMSP que le papa de Victor a pu accepter la maladie, et s'investir peu à peu dans le suivi de Victor.
Les 2 témoignages que j'ai lus me restent toujours en tête, les métaphores concernant la randonnée en montagne et le voyage en Hollande m'aident beaucoup à repartir quand j'ai un coup de mou. Parce que c'est vrai: quels paysages merveilleux et inattendus on a rencontré sur notre raidillon, et quelles couleurs gaies et chatoyantes ont ces tulipes hollandaises!
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